Septembre 1011

David-Allan décoche à Karel un sourire radieux.

– Mais bien volontiers mon cher ! Je n'ai rien de particulier à faire aujourd'hui. La Milice n'est pas très active quand tout est calme. Mais peut-être voudriez-vous déposer vos affaires quelque part ? Avez-vous pris une auberge ? Dormez-vous chez quelqu'un ?

Pendant ce temps, Tamina, qui a bu son café très vite, se tourne vers Si'Wan.

– Vous avez terminé ? je propose qu'on aille voir ce que fait votre amie, et que je vous prête un de mes hommes pour vous guider à travers la ville. C'est essentiel, pour comprendre le fonctionnement d'une milice locale, de connaître la configuration de la ville et les problèmes qui y sont intrinsèquement liés, ne trouvez-vous pas ?

Karel rendit le sourire et acheva son café.

- une auberge ? On m'a recommandé celle du hérisson doré, je pensais m'y installer; A moins que vous ayez une autre adresse ? J'ai entendu du bien de cette auberge, elle m'a semblé convenir. Ceci dit, je vais déjà devoir la trouver.

Tamina allait mettre Heaven et Si Wan entre les mains d'un autre guide, il devrait donc avoir la paix. Parfait. De ce qu'il avait entendu, David-Allan semblait réellement tout savoir sur la cité d'Agrima, il ressemblait à une grosse mine d'informations, on ne pouvait rêver mieux pour commencer. Elam Evir en prime, que demander de plus ?

- he bien puisque vous avez la gentillesse d'accepter, c'est quand vous voulez. Mesdames, messieurs, je vous souhaite une bonne après midi.

Si'Wan reposa ses couverts sur le bord de son assiette et sourit à Tamina. D'abord, parce qu'l'As'Corvaz était vraiment sympathique, s'en était contagieux, ensuite parce que ça faisait du bien de manger quelque chose de chaud !

"-Je suis tout à fait d'accord, et se sera avec plaisir."

Karel Velan semblait aussi s'être trouvé un guide, et elle lui rendit son salut avant de se lever en même temps que Tamina. Maintenant, il fallait aussi aller chercher Heaven. En espérant que la Shaïness avait aussi trouvé à déjeuner.

Si'Wan et Heaven

Tamina emmène Si'Wan à la Milice tandis que Karel Velan part avec son guide. Là-bas, Si'Wan a la surprise de trouver Heaven avec les Miliciens, dans la salle commune, en train de prendre le café après un pique-nique improvisé. Elle a l'air repue.

Tamina propose à un milicien de service d'être relevé pour pouvoir vous faire visiter la ville. Il s'appelle José, et il accepte avec plaisir. Après les salutations d'usage, il vous emmène faire un tour de la ville, en passant par le bureau où le Baronnet reçoit pour le travail, le manoir du Baronnet, la demeure désertée du Baron, les grands lieux de rencontre comme le marché, les quartiers riches, les quartiers pauvres, et même un quartier un peu craignos où il ne doit pas faire bon s'attarder sans armes à la nuit tombée. Vous voyez aussi l'enceinte fortifiée de la célèbre Académie des Pierres Couchées d'Agrima, et vous voyez que la cité, au sud, possède un solide mur d'enceinte percé d'une porte majestueuse, digne d'un poste-frontière. Effectivement, la frontière avec Sundarî n'est pas très loin, même si elle est encore à plusieurs kilomètres.

Une fois ce tour terminé, le jour commence à décliner.

Si l'une ou l'autre d'entre vous a envie de faire quelque chose de précis avant le soir, c'est le moment. Il est environ 17h45.

A part prendre un bain et acheter un cadeau/souvenir à Don, Heaven n'a envie de rien... Elle est fatiguée, elle ne sait toujours pas pourquoi Yu l'a envoyé à Agrima - jolie petite ville - et à vrai dire, le chemin de retour l'angoisse un peu car elle a maaaal au popotin.

- "Sinon, avec les Lo', ça se passe bien? Mon ancien mentor m'a dit qu'il avait de la famille dans le coin, c'est possible d'aller rendre visite au quartier Lo'? "

Agrima était une ville assez diversifiée et Si'Wan resta attentive tout du long : elle n'était pas en vacances ou en tourisme, mais connaître la géographie des lieux servait toujours. Au final, le jour déclinait et elles n'avaient fait que manger et visiter, ce qui ne faisait pas avancer leur mission des tonnes. Selon la réponse de José, ou bien elle suivrait Heaven dans le quartier Lo'kindjaleph, ou elle retournerait à la Milice pour voir avec Tamina -ou celui qui était en charge de l'échange- ce en quoi leur travail consisterait, au juste.

Le milicien répond en se grattant le menton.

– Avec les Lo'Kindjaleph... si vous parlez des relations avec Sundarî, on fait attention à ne pas les vexer, et ça se passe pas trop mal, du coup. Faut juste être diplomates. Pour le quartier Lo'Kindjaleph de la ville, oui, on peut aller le visiter si vous voulez. C'est un peu à l'écart de la ville en fait. Forcément, vous me direz. C'est dans un genre de bosquet, mais ils ont pas fait des maisons-arbres comme à Sundarî, juste des maisons au milieu de la nature, quoi. C'est pas très grand, parce que la plupart des Lo'Kindjaleph de la région vivent bien intégrés aux populations locales, et donc pas dans des quartiers spéciaux. Je vous emmène ? Y en a pour un quart d'heure de marche. Mais faudra être vigilants, pas les vexer, et tout, parce qu'ils sont un peu le trait d'union entre Agrima et Sundarî.

J'avoue que j'ai du mal avec autant de liberté MJ-tesque. Non seulement je n'ai pas l'habitude, mais en plus, je me méfie.... Bref, j'ai pondu ça, histoire de... Alice, si ça ne te convient pas, si tu n'as pas envie d'aller voir les Lo-lo-ki-ki, pas de pb. D'ailleurs, ne devrions-nous pas revenir à notre topic à 2?

- "Alors, c'est parti pour le quartier Lo'Kindjaleph. " Grand sourire de la part d'Heaven, qui se renfrogna bientôt. " Sauf qu'avec la chance que je me tape ces temps-ci, je vous parie que la famille de Tappe-qu'une-fois (sisi, je vous jure, c'est son nom... Allez, si ça ne convient pas je propose "Loup qui trotte" ou "Canard Ambré") habite en ville."

Elle marcha en silence quelques pas - ce qui tenait du miracle - avant de reprendre avec un loooong soupir.
- " Bon, il parait qu'on est là pour échanger des informations... Alors, qu'est-ce qu'il a de si spécial à Agrima? A midi, les potes m'ont déjà brieffée, mais je ne vois rien qui dépote son carburateur? Sans offense, hein... ça a l'air d'un chouette patelin, Agrima, et vous y faites un bon boulot... Mais justement... pourquoi on nous a envoyé ici?"

Et là, elle ferma très grossièrement la porte mentale de son esprit à une petite voix qui lui soufflait que ce n'était pas la destination qui avait importé à Yu, mais le point de départ - Avnag - et la distance entre ledit point et l'arrivée, la plus longue étant la meilleure... Surtout s'il y a avait une bonne milice dans le coin et pas de marché auquel foutre le feu....
Enfin, la petite voix disait ça, elle ne disait rien...

En tout cas, la porte de mentale de l'esprit d'Heaven était carrément cool, en plastique et fer avec des machins psychédéliques guise de décoration.

Spoiler:

Je vous laisse pour l'instant en section publique, au cas où. Sauf si vous vous séparez, auquel cas chacune retourne dans sa section privée.

José hausse les épaules et répond :

– Je pense que ce qu'il y a de plus spécial ici, c'est la situation géographique. En gros, on est entre Sundarî, qui est brouillé à mort avec Marchebrumes et donc ne communique qu'avec nous quand il s'agit de faire passer des marchandises vers l'ouest, vu que Meltdown Dark et Sundarî n'ont pas grand chose à se dire, et puis les deux lunes d'Agora qui ne peuvent pas se sentir : Hol'Darin et Nirandil. Du coup c'est parfois un peu tendu diplomatiquement, mais la criminalité est très basse, parce qu'il y a des instances effrayantes un peu partout. En revanche, le commerce marche super. Mais je crois pas que ce soit à cause de la "particularité" d'Agrima que les Milices voulaient échanger des infos. C'était plutôt pour arrêter de rester isolés chacun dans notre coin. Enfin si j'ai bien compris. Il s'agirait en gros d'harmoniser un peu les méthodes d'enquête, par exemple, et de créer des ponts, vu qu'on est dans le même Comté, pour pouvoir être plus efficaces, pour régler les problèmes qui dépassent le niveau local.

A moins que Si'Wan proteste et veuille rentrer, la suite est encore pour vous deux :

Et voilà que vous vous dirigez vers le sud de la ville, un endroit que vous n'avez pas encore trop vu. Vous passez la porte du gros mur d'enceinte, pour arriver dans un espace assez dépeuplé, avec quand même quelques pâturages, mais aucun champ cultivé. Un peu plus loin sur la plaine, vous voyez une petite forêt. José vous informe que c'est là-bas que les Lo'Kindjaleph qui ne supportaient pas la vie en ville se sont installés. C'est à environ 5 minutes de marche, à vue de nez.

La question de savoir si Si'Wan allait suivre Heaven et leur guide vers le quartier Lo'k ou si elle allait rentrer à la Milice ne se posait plus, puisqu'Heaven avait posé exactement la question dont la Ven'Sakuraï voulait la réponse. Elle suivit donc les deux autres jusqu'au quartier.

En étant tout à fait franche, elle était incertaine à l'idée de se retrouver entourée de Lo'k. Si'Wan savait qu'associer la Maison entière avec l'humiliation publique que lui avait fait subir Kaan il y a plus de deux ans était irrationnel, mais tout de même. Enfin, visiter un quartier et rencontrer ses habitants étaient deux choses différentes. Désireuse de penser à autre chose, elle enchaîna avec une question.

"-Marchebrûmes et Sundarî ne s'entendent pas ?"

Je ne sais pas si c'est du savoir commun pur quelqu'un qui sort de l'Académie, alors hop, je pose la question \O/

José dévisage Si'Wan, l'air très surpris.

– Ben non ! Oh, pardi ! Vous n'êtes pas très impliquée en politique, vous, pas vrai ? Depuis qu'il y a eu à Marchebrumes un attentat contre le frère de l'Impératrice de Sundarî, c'est de justesse qu'on a évité la guerre, et les deux sont à couteaux tirés ! La frontière est carrément fermée.

Pendant ce temps, vous arrivez assez près du quartier Lo' pour commencer à vous faire une idée de sa géographie. En gros, les maisons ressemblent à des terriers faits de branchages et de torchis, en plus élaboré. Elles sont juste à l'orée du bois, comme serrées contre lui. Il y a une vingtaine de maisons, et il semble y avoir de l'activité. Des gamins qui jouent, des gens qui discutent. Il y a aussi des personnes qui cultivent des genres de potagers.

Si'Wan hocha la tête. Ca lui disait quelque chose, cette histoire d'attentat, elle avait oublié que ça avait eu lieu à Marchebrumes.

"-L'histoire et la politique n'étaient pas mes points forts à l'Académie, j'étais plus portée sur les différents aspects de la Symbiose. Mais maintenant que vous le dites..."

C'était quand même un sacré évènement à oublier, et si elle n'avait pas cherché la première question à poser pour éviter de penser à Kaan, elle s'en serait probablement rappelé toute seule. Ce qui était fait était fait, et la Ven'Sakuraï reporta son regard sur le village en approche.

- " Ouais, ben moi, je m'en rappelle. ça a été le foutoir sans nom à Avnagh... Les Lo' se sont mis à péter une durite et on s'est retrouvé à devoir calmer les esprits qui partaient en bibendum. Genre, bagarre à tendance émeute... "
Heaven grommela entre ses dents, se rappelant avec acidité cette période noire de la Milice. Yu leur avait faire faire des double-rondes et tout et tout... Pff, jamais encore elle n'avait bu autant de café avant....

Le village étant en vue, Heaven tripota ses parures de cheveux, faites en os, bois et plumes, et rajusta ses deux javelots dans son dos. Elle était particulièrement fière de son expérience Lo, même si elle avait retenue en premier lieu que elle et la nature faisaient deux, voir même trois. Cependant, elle savait exactement ce qu'elle devait à Tappe-qu'une-fois. Aussi, elle s'approcha avec le sourire d'un petit groupe qui discutait.
- "Bonjour, je m'appelle Heaven. Un ancien ami m'a dit qu'il avait de la famille ici, et je me demandais s'il était ici? En tous cas, je serais honorée de rencontre la famille de celui que je considère comme un mentor. Il m'avait dit de l'appeler Tappe-qu'une fois..."

Les Lo'Kindjaleph, d'abord méfiants en voyant arriver des étrangers et un milicien, se détendent un peu. L'un d'eux, un grand costaud qui se promène torse-nu malgré l'air frisquet, s'approche, et s'incline devant Heaven. Il dit avec un accent chantant un peu étrange :

– Je suis Grand Ours. Et je connais bien Tappe-qu'une-fois. Il est mon frère de sang. Il n'est pas ici en ce moment, mais ce serait un grand honneur que d'offrir l'hospitalité à une de ses amies. Venez partager le Cha'Gar avec nous.

Il vous fait signe à tous les trois de le suivre. Les autres n'ont rien dit, mais s'écartent pour vous laisser passer. Ils n'ont pas l'air hostiles, mais ne font rien pour lier la conversation.
Mais à un moment, une petite fille avec des nattes et des plumes dans les cheveux s'approche de Si'Wan, et dit d'une petite voix haut perchée :

– Dis, Madame, c'est quoi ton habit ? C'est drôlement beau ! T'es une ambassadrice ?

Elle-même est drapée dans un genre de pagne qui semble tissé en fibres végétales. Alors forcément... ça la change.

On ne pouvait pas dire que Si'Wan était très très habituée aux enfants. Elle avait huit ans d'écart avec Kaori et était rentrée à l'Académie quand elle avait deux ans, faisant qu'elle connaissait mal et n'avait vu sa demi-soeur grandir que de loin, et Xian... Xian était Xian. Elle sourit tout de même à la jeune Lo'kindjaleph. Un sourire, ça marchait toujours, hein ?

"-Je ne suis pas ambassadrice, mais merci pour ton compliment... Ca s'appelle un kimono."

Bon, c'était adapté d'un kimono traditionnel pour le bas de son vêtement, mais elle n'allait pas se lancer dans une discussion de mode, surtout avec une enfant, hein ? Surtout qu'ils étaient en route avec Grand Ours pour un... Chaguar ?

Pendant que vous commencez à emboîter le pas à Grand Ours, la gamine vous suit, et parle à Si'Wan, comme fascinée.

– Un kimono ? C'est un nom rigolo ! Tu viens d'où, dis ? C'est toi la dame de Marchebrumes ? Et c'est qui ta copine avec les jolies plumes dans les cheveux ?

Est-ce que les enfants n'étaient pas sensés se lasser très vite ? Elle avait eu sa réponse à sa question, pourquoi est-ce qu'elle restait là ? Si'wan n'était pas agacée, non, plutôt surprise et toujours aussi... à l'aise... avec la jeune Lo'kindjaleph.

"-La dame de Marchebrumes ? Non, moi je viens d'Avnagh... et elle, elle s'appelle Heaven."

D'ailleurs, peut-être que la petite fille aurait plus de chance en allant parler à la Shaïness, elles pourraient papoter tout leur saoul, ce qui n'était pas le grand point fort de Si'Wan.

La petite fille continue de trottiner à tes côtés, en t'examinant avec curiosité.
Elle babille de sa petite voix flûtée :

– Moi je suis Chante-avec-les-abeilles, et je suis la fille de Grand Ours. Il va m'apprendre à faire pousser les arbres, un jour. Mon papa, c'est un médecin des arbres.

Elle semble s'attendre à ce que tu lui fasses la conversation. Mais tu ignores pourquoi elle pense que tu es la personne adaptée pour ça !

Si'Wan avait baissé les yeux vers la petite fille -pas qu'elle ne la regardait pas avant, simplement, pas toujours facile de parler avec quelqu'un se situant sous votre champ de vision tout en marchant, si on voulait éviter de trébucher/rencontrer un obstacle- à la mention de 'médecin des arbres'. Elle doutait que ce soit l'expression Lo'kindjaleph pour bucheron, elle parlait de faire pousser des arbres, pas de les couper. Jardinier ? Etrangement, elle ne voyait pas l'imposant Grand Ours jardinier...

La petite s'était présentée, aussi. "Chante-avec-les-abeilles". Avec Grand Ours et la connaissance d'Heaven, Tappe-qu'une-fois, on voyait facilement la mode des prénoms dans le village, bien différente de ce qui avait pu inspirer 'Kaan'. De toute façon, elle ne se préoccupait pas d'où venait son prénom, à celui-là. Maintenant, la question, c'était soit de hmmer en réponse, espérant qu'elle se lasse ou aille parler à Heaven, soit de répondre en se présentant aussi, et ça, ça s'appelait -la politesse.
Oui, bon, la politesse, mais ça s'appelait aussi encourager l'adversaire. Enfin. L'endroit où Grand-Ours les emmenait ne pouvait plus être très loin, et on avait dit d'éviter de vexer les Lo'kindjalephs...

"-Moi, c'est Si'Wan."

Cha'Gar? ça, c'était nouveau. Et Tappe-qu'une-fois ne lui en avait jamais parlé. Faut dire qu'à l'époque, elle avait entre dix et douze ans et il y avait des choses qu'un grand gaillard de Lo' ne mentionnait pas devant une crevette de Shaï' en manque de repère. Heaven était assez tordue et abîmée comme ça pour en rajouter.

La jeune femme remercia Grand Ours d'un grand sourire... et lui emboîta le pas, laissant Si'Wan à sa tort.... sa petite fille. De toute façon, pour elle, ce n'était rien de bien méchant. La Vensakuraï devrait être capable de gérer une gamine.

" Merci Grand Ours. Je serai ravie de partager ce moment avec vous. Tappe-qu'une-fois a plusieurs fois tenté de m'expliquer ce qu'était la vie d'un clan, mais je n'ai jamais totalement réussi à saisir. Il disait qu'il fallait le vivre pour comprendre. Après il rajoutait toujours, en riant, qu'une Shaïness comme moi partait en plus avec un désavantage naturel." Il y avait quelque chose de presque boudeur dans le ton de sa voix. "Je vais passer quelques jours à Agrima. Est-ce qu'il reviendra d'ici mon départ? Avez-vous eu de ses nouvelles récemment? Comment va-t-il?"[/i]

Et blablabla. Comme si elle était chez elle.
Enfin, pas vraiment.
Chez elle, c'était chez les autres, donc elle se tenait un peu.
Sauf chez Don, mais ça, c'est une autre affaire.

Grand Ours répond à Heaven avec un ton poli et doux, malgré sa grosse voix :

– La vie de clan est difficile à comprendre, quand on n'est pas né dans ce genre d'architecture sociale. Je crains que Tappe-qu'une-Fois ne revienne pas ici avant un moment. Il est parti en voyage. Une quête spirituelle, en quelque sorte, une communion avec la nature. Il nous arrive souvent de faire ça, et nous ne disons jamais au clan où nous allons. Et puis, Tappe-qu'une-Fois a toujours été très indépendant. Mais je lui passerai votre bonjour quand je le reverrai, sans faute.

Vous arrivez à une grande hutte. Il vous fait signe d'entrer. Pendant ce temps, Chante-avec-les-Abeilles continue de faire la conversation à Si'Wan, nullement gênée par sa réserve.

– C'est un joli nom ! Qu'est-ce qu'il veut dire ? C'est ton papa qui te l'a donné ? Ou bien tu l'as choisi ?

Heaven entre dans la hutte et regarde autour d'elle, très curieuse - comme toujours.
- "Si je peux poser la question... en quoi consiste le fait d'être frères de sang? Tappe-qu'une-fois était un mentor, une sorte de grand-frère... qu'il ne fallait pas énerver... Du coup, ça fait quelque chose de nous? Ou juste deux inconnus liés par une rencontre... d'ailleurs... est-ce que vous savez comment mon père et Tappe-qu'une-fois se sont rencontrés? et devenus amis? A mon avis, ça doit valoir le coup, comme histoire... Connaissant Tappe-qu'une-fois..."

Est-ce qu'elle n'arrêtait jamais de parler ? Pourtant, on ne pouvait pas dire que Si'Wan était des plus engageantes avec Chante-avec-les-abeilles, mais la jeune Lo'k ne se décourageait pas le moins du monde. Ils arrivèrent à une hutte où Grand-Ours les fit entrer, gamine comprise.

"-Ce sont mes parents qui me l'ont donné, et il ne signifie rien de particulier..."

Pas comme ceux des habitants du village, apparemment. A côté d'elle, Heaven et Grand-Ours parlaient, mais le sujet était personnel, concernant Tappe-qu'une-fois, rendant difficile l'excuse de "tais-toi Chante-avec-les-abeilles et laisse les adultes parler."
De toute évidence, quelque part entre l'entrée du village et la hutte, on avait décrété que la Ven'Sak ferait garde d'enfant.

Et puisque être aussi bavarde qu'une porte ne semblait pas faire peur à l'enjouée petite fille, Si'Wan -avec un long soupir intérieur- tenta autre chose. Peut-être qu'en lui posant une question, elle serait intarissable et, au moins, ferait la discussion toute seule ?

"-Et le tien ?"

Grand Ours, amusé, sourit à Heaven.

– Frères de sang, c'est quand on mélange nos sangs en prêtant serment. En général, deux chasseurs ou deux guerriers d'un clan font ça quand ils se jurent de toujours être là pour aider l'autre en cas de besoin. Mais ça ne lie pas avec les connaissances de l'autre. Seulement avec la chair de sa chair. Par exemple, s'il m'arrivait quelque chose, Tappe-qu'une-Fois s'occuperait de ma fille.

Il poursuit ensuite, l'air songeur :

– Je n'étais pas là quand Tappe-qu'une-Fois a rencontré "son" Shaïness. Il n'a jamais voulu me raconter les détails, mais il m'a dit que la rencontre avait été bruyante, animée et inoubliable. Qu'ils avaient failli s'étriper avant de décider qu'en fait, il valait la peine d'apprendre à se connaître. C'est tout.

Il fait un clin d'œil.

– Mon frère de sang aime bien garder un côté mystérieux.

Pendant ce temps, aussitôt arrivés dans la tente, Chante-avec-les-Abeilles file chercher des genres de bols en bois, et les distribue.
En même temps, elle répond à Si'Wan :

– C'est mon papa qui m'a donné mon prénom. Il veut dire que je sais parler le langage des abeilles. Quand je chante elles me répondent. Je te montrerai, si tu reviens au printemps ! Là, mes amies abeilles sont parties hiberner, comme les amis ours de papa.

Grand Ours sort une outre, et commence à servir à tout le monde, y compris sa fille, mais en plus petite quantité, un liquide étrange, verdâtre, très parfumé, et un peu épais.

Si'wan était sceptique. Parler le langage des abeilles ? Pourquoi pas, oui, bien sûr excepté... que les abeilles, ça ne parle pas. Après, si quelqu'un avait voulu faire une analogie en comparant le bavardage de la petite fille au bourdon incessant et agaçant des insectes, oui, là, c'était assez juste.
Et, exceptionnellement, elle avait répondu sans poser de nouveau une question ! Ce qui laissait la Ven'sak tout à fait libre de... boire.

Après que Grand Ours eut versé les quatre verres et bu la première gorgée, Si'Wan porta à son tour le verre à ses lèvres et but. Ca sentait fort, mais ce n'était pas ça qui allait décourager la jeune femme : Maï aimait boire un verre avec les jumeaux quand elle revenait et le sake, c'est fort aussi et pourtant, c'est bon.